Texte écrit pour "impromptus littéraires www.impromptuslitteraires.fr/
d'après les 6 dernières consignes à la fois...
( une consigne chaque dimanche soir minuit )
L’été s’éternisait en stridences de cigales et vibrations de chaleur propices aux mirages. Derrière les persiennes du vieux mas du Luberon qu’il gardait en l’absence de sa propriétaire, Simon, assis nu devant son ordinateur, à côté du ventilateur poussif, persistait à écrire un peu chaque jour, histoire de se plier aux vieux adages ; mais c’était la nuit, surtout, qu’il se relevait d’un sommeil agité et de combats farouches avec des hordes de moustiques cannibales, pour saisir le fil d’histoires nouvelles et tenter de les raconter tant bien que mal afin de calmer l’impatience de son éditeur. « La nuit n’est jamais complète », se plaisait-il à répéter à l’heure du pastis au comptoir du bar du village, « sans ce travail d’écriture nourri par les rêves ». On acquiesçait avec bonne humeur puis on parlait d’autre chose. Ensuite Simon rentrait à pied, un peu éméché, massacrant de vieux airs des Doors .
Cette nuit-là, il fut éveillé de son sommeil alcoolisé par un grattement obstiné derrière les persiennes. Il finit par se lever, et tandis qu’il ouvrait la fenêtre le tissu qu’il avait noué autour de ses hanches glissa et le révéla au nouveau venu dans toute sa splendeur légèrement bedonnante Le Chat Botté ne sembla pas s’en émouvoir. D’un bond il entra dans la chambre et s’affala dans le vieux fauteuil en cuir en ronronnant de plaisir. Simon n’eut pas le temps de s’étonner de cette intrusion que déjà le Petit Chaperon rouge enjambait la fenêtre et se posait sur le divan, avec sur ses épaules la fée Clochette qui se lissait les ailes en faisant tintinnabuler ses grelots. Peu après arrivèrent le petit Poucet, l’Ogre et la fée Carabosse, et pour finir le vieux Pêcheur, le jeune « Sept d’un coup » et une vieille femme qui se présenta comme «La grand-mère », sans préciser de quel conte elle avait bien pu s’échapper. Tout ce petit monde sortit de diverses besaces de nouvelles bouteilles et des tabacs odorants, tandis que Simon essayait vainement de mettre un peu d’ordre dans tout cela, de répéter qu’il ne fumait plus depuis des années et de comprendre pourquoi une horde de fêtards en route pour un bal masqué ( quoi d’autre ? ) avait décidé de faire escale chez lui.
Il se demanda au début si le pastis avait été plus chargé qu’à l’accoutumée ou si l’on y avait joint quelques suppléments imprévus. Puis les compagnons se révélèrent si joyeux et la fête si étonnante qu’il cessa de se poser des questions. Il tenait là, bénéfice supplémentaire, le thème de sa prochaine nouvelle, qui lui permettrait de boucler enfin le recueil et d’entendre son éditeur s’exclamer « Je ne sais pas où vous allez chercher ces histoires à dormir debout, Simon, mais avec un peu d’érotisme ça devrait passer. » Il prit quelques notes sur un bout de serviette en papier que le Petit Chaperon rouge jeta dans la poubelle par mégarde. Mais il n’eut pas l’occasion de le regretter car déja il s’était endormi sur le tapis rouge. Au réveil, il constata que tous étaient partis, sauf la Grand-mère, qui, avait quitté ses vêtements et dormait sur le canapé, aussi nue que Simon sur son tapis. Elle semblait un peu jeune pour son rôle et Simon contempla longuement, avec bonheur, avec gratitude, la Belle au bois dormant qu’elle était devenue. Son éditeur serait content.